22 juillet 2006

Écoute et réecoute de See Mi Yah de Rhythm And Sound

Le duo allemand Rhythm And Sound, coupable des plus belles merveilles soniques de ces dernières années, à la croisée du dub et d’une électronique finement dosée et minimale, récidive avec “See Mi Yah Remixes”, relecture par de grands noms de l’électro et de la techno du majestueux album sorti l’année dernière. L’occasion d’en reparler.

Derrière Rhythm And Sound se cache Moritz Von Oswald et Mark Ernestus. Le premier s’est souvent fait remarqué dès le début des années 90 sous les pseudonymes de Cyrus, Quadrant ou Maurizio, de mystérieuses entités qui ont forgées dans le secret le son d’une techno incendiaire, taillée dans le ventre de la Terre ! Le duo naît des cendres de ces expérimentations et de la rencontre des deux protagonistes, alimentés par le dub jamaïcain. Tikiman alias Paul de Saint Hillaire vient, dés le premier opus, prêter sa voix à leurs propositions d’un son métaphysique, rond et minimaliste. Une alchimie qui ne tardera pas à faire des émules, repoussant toujours plus loin les limites de la perception. Rhythm And Sound, c’est avant tout un son, des sons et surtout des vibrations, “good vibes”. On transpire en écoutant le grain chaud de leurs platines qui tournent, le rythme créait de la rondeur, apportant un souffle sacré que l’on retrouve dans certaines transes. Des sonorités qui enveloppent et réchauffent.
L’album le plus récent “See Mi Yah” joue la variation sur le même thème : plusieurs voix du reggae, de passage à Berlin, sont venues offrir leurs lueurs, leurs textes, leurs sagesses ou encore leurs mots canailles sur une bande-son en perpétuel renouvellement et recherche créatrice. On pourrait croire que l’exercice devient très vite lassant or l’écoute déploie un infini de possibilités, excitantes et envoûtantes à chaque nouvelle écoute. Le duo est épatant dans l’art de la ritournelle découpée au sampler et “revenue” dans des essences électroniques. Un dub délicat et très aéré pourvu d’une sensualité féroce et permanente.
Musique pour l’esprit qui sait très bien faire corps avec nos émotions, soulevant de nouvelles sensations. À la fois abstraite et très physique, une dilatation des sons dans les profondeurs des songes.

“See Mi Yah Remixes” n’est rien d’autre qu’une relecture admirative de ce chef-d’oeuvre par des grands noms de la musique électronique. On croise Villalobos qui a suscité la ferveur de la critique par son adaptation plus que minimale et avare qui n’est pas sans évoquer l’assèchement d’un grand lac. Autre célébrité qui s’est mesuré au travail des musiciens allemands : Carl Craig. Celui-ci emmène l’interprétation de Bobbo Shanti dans “Poor People Must Work” aux frontières de la techno, hissant en crescendo le rythme dans les sphères industrieuses d’une électronique martellante.
C’est la version de Sweet Substance qui m’a le plus convaincu dans son articulation des nappes chaudes et sensuelles du titre ”Let Jah Love Come” interprété par Sugar Minott avec une batterie de sons synthétiques et colorés sur un rythme toujours chatoyant, entreprenant et enivrant. D’autres plaisirs attendent ceux qui écoutent ces versions d’autres versions en perpétuels mouvements et réinventions.

Si vous ne l’avez toujours pas fait, écoutez tous les albums de Rhythm And Sound puis la version remixes du formidable et magistral “See Mi Yah”. Et si vous avez l’occasion de les voir sur scène, ce qui est très rare, courrez !, on passe de très bonnes soirées en compagnie de ces deux sorciers et sourciers du vinyle qui nous plonge dans un univers sans limites, délicat et moelleux, glissant d’un rythme à un autre, d’une beauté sauvage et furtive à une autre.

Publié aussi sur le blog Culture Café.

Rhythm An Sound sur l’iTunes Music Store.

"Let Jah Love Come (Sweet Substance Remix) w/ Sugar Minott" Rhythm And Sound (mp3, 10,9 Mo)

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