30 juillet 2006
Live d'Archive et Massive Attack sur les îles du Gaou

D’abord Archive, transporté d’allégresse et tout de noir vêtus, nous inonde de sons et accède par une jolie montée en puissance à un amour platonique avec le public. Celui-ci est d’abord timide puis conquis par les fulgurances rock du groupe et la voix séduisante de Pollard Berrier. Je fus hypnotisé et que dire des tourbillons ou plutôt des embrasements de la guitare de Dave Peeney (j’espère ne pas me tromper dans les noms), moins convaincant dans le chant mais redoutable et fascinant quand il engage un solo, donnant des ailes aux compositions. Il y a alors un certain parfum, vieux des années 90, de “shoegazing”. Parfum que l’on retrouvera avec les suivants.
Après une vingtaine de minutes de transition, le temps de bien suer en faisant la queue à la buvette pour quelques bières (...), on découvre sur scène deux batteries ... On imagine le “gros son” qui nous attend. Puis l’éclairage change et Massive Attack opère son entrée. Le public exulte de joies, trépigne et se balance sur les premières mélopées hallucinantes. Pendant plus d’une heure, l’ensemble britannique étale d'impressionnantes nappes électromagnétiques ensorcelantes, nous assomme avec des sons qui deviennent des vibrations, traversant les espaces et les corps. C’est l’ivresse, les lumières scintillent dans tous les sens, le son explose. On a droit à quelques classiques, une anthologie, mais rien du futur nouvel album. Puis surgissent des relectures fantastiques de quelques titres dont “Butterfly Caugh”. Interprétation sidérante qui en a laissée bouches béantes le public ! Un seul rappel, tout aussi explosif puis la soirée était déjà terminée. La musique rugit encore dans les corps et les têtes, le public s’évade, certains regagnent la terre par les eaux douce et calme de la lagune.
On ressort étourdi et abasourdi, le spectacle fut monumental et gracieux. La basse résonne encore et les batteries continuent de gronder. Là encore, c’était l’embrasement sans oublier les guitares également noisy et débordantes de délire électrique, elles aussi venaient nous lécher de leur rumeur “showgazing”.
Je les avais vu deux ans plus tôt à Nîmes et à Cannes mais là, leur performance fut davantage convaincante et moins statique. Merveilleux et planant. Les deux groupes ont su relier les époques et les genres dans un esprit fusionnel et ascensionnel très partagé. C’est encore mieux en vrai, supérieur aux enregistrements.
Extraits vidéos du concert de Massive Attack sur DailyMotion.com.
Également publié sur le blog Culture Café.
22 juillet 2006
Écoute et réecoute de See Mi Yah de Rhythm And Sound

Derrière Rhythm And Sound se cache Moritz Von Oswald et Mark Ernestus. Le premier s’est souvent fait remarqué dès le début des années 90 sous les pseudonymes de Cyrus, Quadrant ou Maurizio, de mystérieuses entités qui ont forgées dans le secret le son d’une techno incendiaire, taillée dans le ventre de la Terre ! Le duo naît des cendres de ces expérimentations et de la rencontre des deux protagonistes, alimentés par le dub jamaïcain. Tikiman alias Paul de Saint Hillaire vient, dés le premier opus, prêter sa voix à leurs propositions d’un son métaphysique, rond et minimaliste. Une alchimie qui ne tardera pas à faire des émules, repoussant toujours plus loin les limites de la perception. Rhythm And Sound, c’est avant tout un son, des sons et surtout des vibrations, “good vibes”. On transpire en écoutant le grain chaud de leurs platines qui tournent, le rythme créait de la rondeur, apportant un souffle sacré que l’on retrouve dans certaines transes. Des sonorités qui enveloppent et réchauffent.
L’album le plus récent “See Mi Yah” joue la variation sur le même thème : plusieurs voix du reggae, de passage à Berlin, sont venues offrir leurs lueurs, leurs textes, leurs sagesses ou encore leurs mots canailles sur une bande-son en perpétuel renouvellement et recherche créatrice. On pourrait croire que l’exercice devient très vite lassant or l’écoute déploie un infini de possibilités, excitantes et envoûtantes à chaque nouvelle écoute. Le duo est épatant dans l’art de la ritournelle découpée au sampler et “revenue” dans des essences électroniques. Un dub délicat et très aéré pourvu d’une sensualité féroce et permanente.
Musique pour l’esprit qui sait très bien faire corps avec nos émotions, soulevant de nouvelles sensations. À la fois abstraite et très physique, une dilatation des sons dans les profondeurs des songes.
“See Mi Yah Remixes” n’est rien d’autre qu’une relecture admirative de ce chef-d’oeuvre par des grands noms de la musique électronique. On croise Villalobos qui a suscité la ferveur de la critique par son adaptation plus que minimale et avare qui n’est pas sans évoquer l’assèchement d’un grand lac. Autre célébrité qui s’est mesuré au travail des musiciens allemands : Carl Craig. Celui-ci emmène l’interprétation de Bobbo Shanti dans “Poor People Must Work” aux frontières de la techno, hissant en crescendo le rythme dans les sphères industrieuses d’une électronique martellante.
C’est la version de Sweet Substance qui m’a le plus convaincu dans son articulation des nappes chaudes et sensuelles du titre ”Let Jah Love Come” interprété par Sugar Minott avec une batterie de sons synthétiques et colorés sur un rythme toujours chatoyant, entreprenant et enivrant. D’autres plaisirs attendent ceux qui écoutent ces versions d’autres versions en perpétuels mouvements et réinventions.
Si vous ne l’avez toujours pas fait, écoutez tous les albums de Rhythm And Sound puis la version remixes du formidable et magistral “See Mi Yah”. Et si vous avez l’occasion de les voir sur scène, ce qui est très rare, courrez !, on passe de très bonnes soirées en compagnie de ces deux sorciers et sourciers du vinyle qui nous plonge dans un univers sans limites, délicat et moelleux, glissant d’un rythme à un autre, d’une beauté sauvage et furtive à une autre.
Publié aussi sur le blog Culture Café.
Rhythm An Sound sur l’iTunes Music Store.
"Let Jah Love Come (Sweet Substance Remix) w/ Sugar Minott" Rhythm And Sound (mp3, 10,9 Mo)
21 juillet 2006
Superbe interprétation de Raghunath Manet au Festival d'Avignon

Pendant plus d’une heure, le chorégraphe, danseur et joueur de vîna (instrument à corde traditionnel de l’Inde du Sud) nous ensorcelle en compagnie de ses danseuses et musiciens. La salle était littéralement hypnotisée par la flamboyance et la magie que dégagent ses chorégraphies. Grâce et beauté sont présentes durant tout le spectacle inspiré du Bharata Natyam. Nous sommes transportés dans l’univers coloré et fastueux de l’Inde mythique. Raghunath Manet fait parler à son corps la langue des dieux, il incarne avec majesté la plastique et gestuelle de ces danses traditionnelles en l’honneur du dieu Shiva. Et comme un seul talent ne suffit pas, le maître s’assoit pour enivrer nos oreilles du son de sa vÎna. À ses côtés, signalons les présences remarquables de sa chanteuse et du joueur de tabla qui nous ont offert des instants inoubliables. Un charme pour les yeux et les oreilles. On est ébloui et la rue paraît bien pâle au sortir de cette vivifiante chorégraphie. Beauté hors du temps.
Texte également publié sur le site AvignonMag. Retrouvez toutes les chroniques du Festival d'Avignon.